Galilée et l'église : une vision différente du monde qui nous entoure...

Réalisé en partie par Joan

              

L'attitude polémique de Galilée

Il est de notoriété publique que Galilée fut jugé par l'Inquisition pour hérésie. On caricature souvent son procès en lui prêtant l'expression "Et pourtant elle tourne", à propos du mouvement de la Terre. Les faits et les conséquences du verdict prononcé par le Saint-Office sont très instructifs lorsqu'on cherche à comprendre quelle est la position de l'Eglise face au monde de la science. Si de nos jours l’Eglise tend la main aux hommes de science, il n’en fut pas toujours ainsi.

Pendant près de deux mille ans, si les Ecritures ne sanctionnaient pas les écrits philosophiques et préscientifiques, pour le clergé leurs interprétations ne souffraient aucune exception : les véritables découvertes scientifiques étaient l’oeuvre du Créateur. Le dogme chrétien, enraciné dans les écrits de l’Ancien Testament avait la conviction que l’Univers avait été créé par Dieu. Le Credo, symbole de la foi chrétienne, inventé lors du Concile de Nicée de 325 rappelait en effet que “Dieu avait créé le ciel et la terre” mais il ne disait pas que l’Univers avait été “engendré”, action qu’il réservait au Christ. L’Univers pouvait donc s’expliquer scientifiquement et faire l’objet d’expériences. Cela conduisit au développement des cosmogonies et beaucoup plus tard à la cosmologie.

Parallèlement à cette quête scientifique, lors du Concile de Trente qui se déroula entre 1545-1563 le Saint Concile décréta parmi d'autres choses que l'interprétation des résultats scientifiques incombait à l'Eglise.

A cette époque l'université la plus célèbre était celle du Collège Romain dirigée par des Jésuites. Durant la première moitié de sa vie Galilée fut protégé par les membres de cette institution et en particulier par le célèbre Cardinal Bellarmin.

Mais Galilée oublia que les Jésuites se réservaient le monopole de l'interprétation et que pour faire valoir ses arguments selon lesquels le Soleil et non la Terre était au centre du Monde, il devrait trouver des preuves autrement plus convaincantes que les propos qu'il tenait en public. 

L’attrait légendaire des Jésuites et de la Curie romaine pour les sciences est connu de longue date. Les pères de la Compagnie de Jésus vouent un culte à Dieu depuis 1540 mais en même temps, paradoxalement, ils semblent vivre au rythme des découvertes scientifiques, ici cachés sous la coupole d’un observatoire astronomique, là enfouis dans le désert à la recherche de fossiles ou encore en chaire dans un auditoire universitaire discertant de biologie.

Mais selon leur point de vue il n’y a pas de paradoxe. Ils visent en réalité, comme toute religion, la conversion des hérétiques mais surtout à appréhender les signes de l’existence du Créateur.

Pour attirer l’attention du peuple sur la nature surnaturelle du Monde, rien de tel que de maîtriser ses lois et définir leurs limites. Mais ce n’est pas du goût de tout le monde et plus d’une minorité se sont opposées à leurs actions, y compris à la fin du XXeme siècle.

Il faut rechercher l’origine de ce sentiment religieux mêlé de curiosité scientifique dans les écrits plus anciens, en particulier ceux de saint Augustin, Philopon et Grosseteste, dans lesquels l’idée de méthode scientifique émergea parallèlement à la tradition théologique. Tous trois considéraient à des degrés divers que Dieu devenait rationnel et que dans sa grande sagesse il nous commanda de dominer la terre : “Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la”. Cela incita les esprits curieux à découvrir l’envers du décor cosmique, une façon d’approcher Dieu. Leur esprit critique finit par briser la philosophie aristotélicienne et son monde supralunaire incorruptible. 

Cela débuta réellement en 1277 lorsque Etienne Tempier, évêque de Paris condamna 219 propositions de l’enseignement d’Aristote concernant la création du monde à partir du néant, comme étant contraire à la foi chrétienne. Cet engagement sera reconduit et confirmé par les travaux de Léonard de Vinci, Buridan, Copernic et Kepler pour finalement aboutir à la théorie de Galilée qui étendit ce principe aux Ecritures, ayant à coeur de corriger ses propositions si elles ne concordaient pas avec l’expérience. 

Galilée, bien que l'aîné de huit ans de Kepler, professeur de mathématiques à Pise, où il avait mené des expériences sur la chute des corps (demeurées un peu trop célèbres du haut de la Tour) et rédigé un court traité le De Motu, puis à Padoue à partir de 1592, ne commença à se signaler qu'en 1610 avec la publication de son Siderius nuncius.

Ce " messager céleste " comporte le récit de la découverte des étoiles de la voie lactée, du relief lunaire et des satellites de Jupiter au moyen d'une lunette astronomique de sa réalisation. L'attribution de cette invention demeure disputée entre Anglais et Néerlandais...

Galilée en fait le premier usage astronomique public; il l'utilise et découvre un nouveau monde : il s'agit grâce à la constitution de nouveaux faits empiriques de bousculer la cosmologie traditionnelle. Voici l’événement raconté par Galilée lui-même :

Texte 1 sur le télescope.
"Il y a environ dix mois le bruit parvint à nos oreilles qu'un habitant des Provinces des Pays-Bas avait fabriqué une Lunette grâce à laquelle des objets visibles, même situés loin de l'œil de l'observateur, pouvaient être nettement discernés, comme s'ils étaient proches; de cet effet assurément merveilleux on rapportait quelques témoignages, auxquels les uns ajoutaient foi, mais que les autres niaient.

Cette nouvelle me fut confirmée peu de jours après, par une lettre envoyée depuis Paris par le gentilhomme français Jacques Badovere; cela eut finalement pour conséquence que je m'appliquai entièrement à la recherche des principes ainsi qu'à la conception des moyens par lesquels je pourrais parvenir à l'invention d'un Instrument semblable; cette invention, peu après, en m'appuyant sur la théorie de la réfraction, je l'ai réalisée. Je me suis d'abord fabriqué un tube de plomb aux extrémités duquel j'ai adapté deux lentilles de verre, toutes deux planes d'un côté, mais l'une sphériquement convexe et l'autre concave du côté opposé ; ensuite, en approchant mon il de la lentille concave, j'ai vu les objets assez grands et rapprochés; de fait, ils apparaissaient trois fois plus proches et neuf fois plus grands que s'ils étaient seulement regardés à l'oeil nu.

Par la suite, je me suis construit un autre instrument, plus précis qui représentait les objets plus de soixante fois plus grands. Enfin, ne regardant ni au labeur ni aux frais, j'en suis arrivé à me construire un instrument d'une qualité si grande que les choses vues à travers lui apparaissent presque mille fois plus grandes, et plus de trente fois plus proches, que si elles étaient regardées par les seuls moyens naturels." - Galilée, Le messager des étoiles, troisième feuillet.
 

Il dédie les satellites de Jupiter qu'il découvre à un riche protecteur, le duc de Florence Cosme II de Medicis, comme s'il en prenait possession en son nom.
 

Texte 2, la dédicace.
Puisqu'il en est ainsi, puisque c'est sous ton auspice, COME Sérénissime, que j 'ai exploré ces Étoiles inconnues de tous les Astronomes précédents, c'est de plein droit que j'ai décidé de leur imprimer le sceau du très Auguste nom de ta Race. Car, si je fus le premier à les découvrir, qui aurait le droit de me blâmer si je leur impose aussi un nom et les appelle ÉTOILES MÉDICÉENNES, dans l'espoir qu'autant de gloire, de cette appellation, advienne à ces Astres que les autres en apportèrent aux autres Héros. De fait, si l'on passe sous silence tes Ancêtres Sérénissimes, dont la gloire éternelle est attestée par les monuments que constituent tous les livres d'histoire seule ta vertu, Très Noble Héros, peut impartir à ces Astres t'immortalité du nom. - Galilée, Le messager des étoiles, dédicace.

Ces observations sont pour lui des confirmations de la théorie Copernicienne sur le mouvement de la terre.
 

Texte 3
Voilà les observations des quatre Planètes* Médicéennes, récemment et pour la première fois découvertes par moi. A partir de ces observations, bien qu'il n'ait pas encore été possible de calculer les périodes des Planètes*, on peut à tout le moins énoncer quelques affirmations dignes d'attention. Et d'abord, puisque selon des intervalles semblables tantôt elles suivent, tantôt elles précèdent Jupiter, puisqu'elles ne s'éloignent de lui, aussi bien vers le levant que vers le couchant, que selon des écarts très étroits, et puisqu'elles l'accompagnent pareillement dans son mouvement rétrograde* et dans son mouvement direct*, personne ne peut douter qu'elles ne décrivent autour de lui leurs propres révolutions, tout en accomplissant, pendant ce temps, toutes ensemble un mouvement giratoire en douze ans autour du centre du monde.

De plus, elles tournent en cercles inégaux : cela ressort clairement du fait qu'il n'est jamais possible de voir deux Planètes* réunies lors des éloignements les plus grands par rapport à Jupiter, alors que, lorsqu'elles sont proches de Jupiter, deux, trois et parfois toutes les Planètes* sont regroupées en même temps. On peut saisir, en outre, que les révolutions des Planètes* qui décrivent des cercles plus petits autour de Jupiter sont plus rapides" : en effet, les Étoiles* les plus rapprochées de Jupiter s'offrent plus souvent au regard à l'Orient quand le jour précédent elles étaient apparues à l'Occident, et vice versa. Mais la Planète* qui parcourt l'orbe le plus grand semble, à qui évalue soigneusement les retours notés ci-dessus, avoir des cycles bimensuels. En outre, nous tenons un argument excellent et lumineux pour ôter tout scrupule à ceux qui, tout en acceptant tranquillement la révolution des Planètes autour du Soleil dans le Système copernicien, sont tellement perturbés par le tour que fait la seule Lune autour de la Terre tandis que ces Planètes accomplissent toutes deux une révolution annuelle autour du Soleil , qu'ils jugent que cette organisation du monde doit être rejetée comme une impossibilité.

Maintenant, en effet, nous n'avons plus une seule Planète tournant autour d'une autre pendant que toutes deux parcourent un grand orbe autour du Soleil, mais notre perception nous offre quatre Étoiles errantes, tournant autour de Jupiter, comme la Lune le fait autour de la Terre, tandis que toutes poursuivent ensemble avec Jupiter, en l'espace de douze ans, un grand orbe autour du Soleil Il. Il ne faut cependant pas passer sous silence la raison pour laquelle il arrive que les Astres Médicéens, alors qu'ils accomplissent de très petites rotations autour de Jupiter, paraissent parfois plus de deux fois plus grands. Nous ne pouvons nullement chercher la cause dans les vapeurs terrestres, car les Étoiles apparaissent agrandies ou diminuées alors que, visiblement, la masse de Jupiter et des Fixes les plus proches n'est en rien modifiée.

Que, d'autre part, ces Étoiles s'approchent et s'éloignent tellement de la Terre au moment du périgée ou de l'apogée de leur révolution, qu'elles procurent la cause d'un tel changement, cela semble tout à fait inconcevable; une étroite rotation circulaire ne peut en aucune façon produire cela et un mouvement ovale (qui, dans ce cas, serait presque droit) semble être à la fois inconcevable et en aucune manière compatible avec les apparences

En même temps Galilée révèle ainsi qu'il y a plus de corps céleste que n'en connaissaient les Anciens, que leurs savoirs étaient donc limités, ce qui allait scandaliser les tenants d'un aristotélisme dogmatique. Ces vérités que l'on découvrait non plus seulement dans les livres des Anciens n'allaient pas sans se heurter les vérités enseignées, le dogme. L'Église déjà aux prises avec les mouvements de Réforme était aux aguets. À cet égard Galilée fut celui qui allait porter le plus loin, en ce début du XVIIe siècle, cet idéal de découvertes, de mécanisation et de défi à l'autorité " omnisciente " ; porté par son succès on le retrouve à partir de 1610 à Florence comme philosophe du jeune Cosme II de Médicis dans une atmosphère beaucoup plus conservatrice qu'à Padoue. Et c'est à partir de ce moment que l'histoire bascule...

Polémiste pugnace Galilée n’hésita pas à exprimer le fond de sa pensée : “La Bible écrit-il, n’est pas le seul moyen de connaître. Dieu nous a doté de sens et d’intelligence et il n’a pas voulu que nous négligions d’exercer ces facultés, ni prévu de nous donner par un autre moyen les connaissances que nous pouvons acquérir par leur usage dans les questions naturelles. Nous ne devons pas renier nos sens ou notre raison, en refusant les conclusions auxquelles nous pouvons aboutir grâce à eux [...] Il faut rechercher le sens des Ecritures dans les passages qui sembleraient en apparence ne pas concorder avec le savoir naturel”.

Le Livre de la Sagesse disait que la Science devait être librement partagée : “Ce que j’ai appris sans arrière-pensée, je le communique sans regret, je n’entends pas cacher ses richesses. Car elle est pour les hommes un trésor inépuisable, ceux qui l’acquièrent s’attirent l’amitié de Dieu”. En lisant ces mots, il se peut que Galilée fut convaincu de sa bonne foi et qu’il n’allait en rien enfreindre les Saintes Ecritures, trouvant au contraire dans le texte de la Foi des arguments qui consolideraient sa théorie. Mais à trop vouloir sans prendre de précaution on risque de tout perdre. Car c’était sans tenir compte de son incompétence en matière exégétique, bien que le terme ne fut jamais énoncé de son vivant.

Bien que l’interprétation de la Bible était fixée par le magistère ecclésiastique, le texte appartenait aux Chrétiens qui l’entendait à leur mesure. Mais Galilée avait oublié que parmi les ecclésiastiques de la Curie romaine tous ne partageaient pas ses idées. Les arguments scientifiques ne pouvaient pas convaincre les Aristotéliciens forts des preuves qu’ils relevaient dans les Saintes Ecritures, comme par exemple le passage que Josué consacrait au Soleil arrêté, contrepoint sensible de la théorie de Copernic : “Alors Josué parla à l’Eternel, le jour où l’Eternel livra les Amorcéens aux enfants d’Israël, et il dit en présence d’Israël : Soleil, arrête-toi sur Gabaon, et toi, lune, sur la vallée d’Ajalon ! Et le Soleil s’arrêta, et la Lune suspendit sa course, jusqu’à ce que la nation eût tiré vengeance de ses ennemis. Cela n’est-il pas écrit dans le livre du Juste ? Le Soleil s’arrêta au milieu du ciel, et ne se hâta point de se coucher, presque tout un jour”.

Bien que traitée littéralement, cette critique en règle mettait le doigt sur la validité de l’enseignement de l’Eglise et la nature de la méthode scientifique. Ce débat n’est toujours pas clôturé. Rappelons brièvement les faits qui conduisirent Galilée devant l'Inquisition.

La réalité du monde

Lorsqu'en 1609 Galilée observa les taches solaires, ses observations lézardèrent l'harmonie et la beauté du monde. L'Eglise sera en conflit avec Galilée durant plus de 20 ans. Le clergé acceptait les hypothèses de Galilée et de bien d’autres tant qu'ils ne cherchaient pas à remettre en cause la Philosophie naturelle d'Aristote qui représentait la seule vérité.

Rome acceptait également le concept héliocentrique de Copernic tant qu'il s'agissait d'une hypothèse de travail pouvant expliquer les phénomènes naturels, mais gare à celui ou celle qui osait interpréter les faits ! Même le Cardinal Nicolas de Cuse partageait pleinement les idées de Copernic. 

Mais le sens critique et l'esprit d'indépendance de Galilée confirmaient que les mathématiques s'accordaient mieux avec la nature que les "principes divins" émis par la Philosophie naturelle. “Comment voulez-vous mettre la réalité entre parenthèses rétorqua-t-il, imaginez-vous qu'il soit possible d'en faire une hypothèse ?” Copernic lui-même avait jugé à son époque qu'il fallait placer le Soleil au centre du monde ou tout renier, c'était une question de prestige ! Mais heureusement sans doute pour lui Copernic pris la sage décision de publier son livre... sur son lit de mort.

A son tour Galilée n'acceptait pas "l'hypothèse de travail" du Vatican ; il avait la profonde conviction que ses observations reflétaient la réalité du monde. Sans doute, mais quelle que soit cette réalité Rome avait son mot à dire.

1610 est une année de référence dans la vie de Galilée, une année faste. Il est au sommet de sa gloire et de son influence sur de grands astronomes comme Kepler et Clavius, pourtant chef des astronomes du Pape. Il ne s’arrête néanmoins pas là, il poursuit ses recherches et ses observations, et découvre les phases de Vénus. En observant ces phases, identiques à celles de la Lune, il aperçoit des variations et un changement de taille évident … Pour lui, le doute n’est plus permit : Vénus tourne bien autour du Soleil, et elle se déplace par rapport à la Terre. Cette découverte renforce ses convictions héliocentriques et coperniciennes.
Le succès attirant les rancoeurs et la jalousie, Galilée se fait des ennemis, ceux-ci s’attaquent à lui en 1612, sur l’aspect scientifique et religieux de ses travaux. Les universitaires conservateurs, adeptes d’Aristote, récusent les théories héliocentriques de Copernic et s’acharnent sur Castelli, un disciple de Galilée. Mais la plus grande menace qui pèse sur Galilée, ce sont les théologiens qui accusent le système copernicien d’être contraires aux Saintes Ecritures. Galilée essaie alors de se défendre en tentant de démontrer la compatibilité entre les Ecritures et les travaux de Copernic.

 

Le premier procès de Galilée :

En 1616, il décide de se rendre à Rome afin de convaincre les ecclésiastiques du bien fondé de ses théories. Il rédige un essai sur les marées des océans, preuve indiscutable du mouvement de la Terre.

Mais le mal était fait et, en février 1616, la théorie héliocentrique dans laquelle le Soleil est le centre du monde immobile et la Terre tourne autour est jugée comme étant une hérésie.

Heureusement pour lui, Galilée était déjà célèbre et aucune mesure ne fut prise.

Un décret fut rédigé, en fait un avis consultatif, stipulant non pas que Galilée était un hérétique, le mot ne fut pas écrit, mais que sa théorie héliocentrique “est stupide et absurde, et fausse en philosophie, et formellement hérétique, car elle contredit explicitement, et en de nombreux paragraphes, les sentences de l’Ecriture Sainte, lue selon le sens propre des mots et l’interprétation commune des saints Pères et des théologiens”.

Non seulement il critiquait l'Ecriture Sainte mais il n'avait aucune preuve de ce qu'il avançait et sa théorie était fausse. Sa théorie du flux et du reflux en particulier, ne prouvait pas que la Terre tournait autour du Soleil.

Elle démontrait seulement que le mouvement des océans obéissait aux mouvements de la Terre.

Le cardinal Bellarmine

A sa charge il faut bien reconnaître que le sens commun n’était pas en faveur de Galilée : tout indique en effet que la Terre est fixe et que le Soleil tourne autour de nous... Pire, dans un récent sondage réalisé en 1981 il est apparu qu’un tiers de la population française vit encore dans une vision du monde précopernicienne !

Bref, les astronomes, y compris ceux de l'Observatoire du Vatican n'avaient pas le choix, le décret leur ordonnait de travailler avec des "hypothèses de travail [...] sans porter préjudice à la vérité catholique". 

L'année suivante, le Saint-Office de Rome déclara le système de Copernic "comme entièrement opposé à l'Ecriture Sainte", mais Copernic n'était pas encore considéré officiellement comme un hérétique.

Seuls les ouvrages de l'un ou l'autre chanoine seront interdits, mais durant quelques années seulement. Galilée est vivement conseillé de ne plus faire l’apologie d’un tel sacrilège... Galilée reste ainsi muet sur ses idées pendant sept années.

 

 

Le second procès de Galilée :

En 1623, un nouveau Pape est nommé. Anciennement cardinal Maffeo Barberini, celui-ci prend le nom d’Urbain VIII. Il est jeune, sportif, plutôt libéral … Bref, il représente un espoir et un progrès pour les milieux intellectuels et progressistes. Galilée, le connaissant bien, en profite pour tenter de réhabiliter Copernic.

L’année d’après, il reçoit l’autorisation de rédiger un ouvrage établissant de manière totalement objective la contradiction entre les différents modèles du monde, le Ptoléméen et le Copernicien.

Galilée met sept ans pour rédiger son œuvre, il faut en effet attendre 1631 pour qu’il reçoive l’autorisation d’imprimer, après avoir effectué quelques corrections. Il sort des presses florentines en février 1632.

Texte 4 Dialogue.
"La philosophie est écrite dans ce vaste livre constamment ouvert devant nos yeux (je veux dire l'univers) et on ne peut le comprendre si d'abord on n'apprend à connaître la langue et les caractères dans lesquels il est écrit. Or il est écrit en langue mathématique, et ses caractères sont le triangle et le cercle et autres figures géométriques, sans lesquelles il est humainement impossible d'en comprendre un mot. "

" Je dis que l'entendement humain comprend toutes les propositions aussi parfaitement, possède une certitude aussi absolue que la nature même; et telles sont les sciences mathématiques pures, à savoir la géométrie et l'arithmétique, dont l'entendement divin connaît bien une infinité de propositions de plus - parce qu'il les connaît toutes -, mais pour les quelques unes que comprend l'entendement humain, j'en crois la connaissance égale à la divine en certitude objective, puisqu'il arrive à en comprendre la nécessité, au-dessus de laquelle il semble qu'il ne puisse y avoir de plus grande certitude. " - Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, Galilée

 

Contre toute attente, le pape ordonne la saisie du livre … Galilée est alors convoqué au Saint Office en septembre de la même année. Il ne s’y rendra finalement qu’en hiver, menacé d’arrestation.

Il semblerait que Galilée n’ait pas respecté son serment d’impartialité dans son ouvrage et aurait fait l’apologie des théories coperniciennes, d’où la colère du Pape.

La colère du Pape déroute, étant lui-même libéral et ami de l’astronome …

Il apparaît en fait que Galilée est victime de la raison d’état. En effet, Urbain VIII est alors dans une position délicate, soupçonné de favoriser les idées novatrices au détriment des valeurs traditionnelles et conservatrices. En outre, il est mal vu par les catholiques car sa politique est favorable à la France, ce pays qui soutient les protestants.

Pour être clair, Urbain VIII offrit le procès de Galilée pour calmer les catholiques …

 

Les audiences débutent en avril 1632 devant le Tribunal de l'Inquisition.

Galilée est accusé d’avoir enfreint l’interdiction de 1616 de faire l’éloge des théories de Copernic; au nombre des explications qui furent avancées pour expliquer cette confrontation entre l'Église et Galilée, on peut signaler celles-ci : la circulation des idées contraire à la doctrine de l'église, leurs enseignements et leurs publications en Italien ce qui assure leurs répercussions ; l'attitude provocatrice de Galilée et la non-soumission à l'autorité religieuse ; la remise en question du dogme de l'eucharistie par l'atomisme ; le rôle du Vatican dans les questions de politique interne en l'Italie, mais aussi des questions de politique étrangère et de relation avec l'Espagne, au milieu de la guerre de trente ans où puissances catholiques et protestantes s'opposent ; le néoplatonisme, le pythagorisme, et l'importance des démonstrations mathématiques dans la nouvelle physique; l'expérimentation (et notamment la question de l'instrumentation) comme source de connaissances.

 En juin de la même année, il est jugé coupable, doit abjurer ses erreurs et est assigné à résidence.

Ainsi, il échappe au bûcher, sentence terrible qui suplicia quelques années plus tôt le pauvre Giordano Bruno ...

 

Texte 5 l'abjuration

Moi, Galilée, fils de Vincent Galilée, de Florence, en mon âge de 70 ans, cité personnellement en jugement et agenouillé devant vous, très Eminents et très Révérends Cardinaux, dans toute la République chrétienne contre la dépravation hérétique Inquisiteurs généraux, ayant sous les yeux les très Saints Evangiles, que je touche de mes propres mains, je jure que j'ai toujours cru, que je crois à présent et qu'avec l'aide de Dieu je croirai pour l'avenir tout ce que tient, prêche et enseigne la très Sainte Eglise Catholique et Apostolique.

Mais parce que par ce Saint Office, pour avoir, après qu'il m'eût été intimé par une prescription' émanant de lui d'abandonner totalement la fausse opinion selon laquelle le soleil serait le centre du monde, et immobile, et la terre n'en serait pas le centre et serait mobile, et de ne tenir, défendre ni enseigner de quelque façon que ce fût, de bouche ni par écrit la dite fausse doctrine, et après qu'il m'eût été notifié que la dite doctrine est contraire aux Saintes Ecritures, pour avoir donc écrit et donné à imprimer un livre dans lequel je traite de cette même doctrine préalablement condamnée et apporte en sa faveur des raisons pleines d'efficacité sans avancer aucune solution, par ce Saint Office j'ai été jugé véhémentement suspect d'hérésie, c'est-à-dire d'avoir tenu et cru que le soleil serait le centre du monde et immobile, et que la terre n'en serait pas le centre et serait mobile.

Comme je désire ôter de l'esprit de Vos Eminences et de tous les chrétiens cette véhémente suspicion que l'on a justement conçue envers moi, dans un aveu sincère et avec une foi non feinte j'abjure, maudis et déteste les susdites erreurs et hérésies et, plus généralement, toute autre erreur, hérésie et secte quelle qu'elle soit, contraire à la Sainte Eglise ; et je jure que dans l'avenir je ne dirai jamais plus ni n'affirmerai, de bouche ou par écrit, des choses telles que l'on pût nourrir à mon encontre semblable suspicion ; mais si je connais quelque hérétique ou quelqu'un qui soit suspect d'hérésie, je le dénoncerai à ce Saint Office, ou à l'Inquisiteur Ordinaire du lieu où je me trouverai.

Je jure encore et je promets d'accomplir et d'observer entièrement toutes les pénitences qui m'ont été et me seront imposées par ce Saint Office; et si je manquais à quelqu'une de ces promesses ou de ces serments, ce dont Dieu me garde, je me soumets à toutes les peines et aux châtiments qui sont par les sacrés canons et autres constitutions générales et particulières, imposés et promulgués contre de tels criminels.

Qu'ainsi Dieu me vienne en aide, et ses Saints Evangiles que je touche de mes propres mains.

Moi, Galileo Galilei susdit, j'ai abjuré, juré et promis, et me suis lié d'obligation comme il est dit ci-dessus ; et pour en faire foi, de ma propre main j'ai signé la présente cédule de mon abjuration et l'ai dite mot pour mot à Rome, dans le couvent de la Minerve, ce 22 juin 1633

Moi, Galileo Galilei, j'ai abjuré comme ci-dessus, de ma propre main. - Selon la traduction de Simone Matarasso-Gervais dans Franco Lo Chiatto, Sergio Marconi, Galilée Entre le pouvoir et le savoir. Alinea, Aix, 1988; p. 152-153.

Galilée s’installe donc dans une maison à côté de Florence, dans laquelle il terminera sa vie, le 8 Janvier 1642 non sans avoir publié en 1638 à Leyde au Pays-Bas, l'ouvrage qui fonde la physique moderne : les Dicorsi e dimostrazioni matematiche intorno a due scienze . Le savant, que l'Église pensait avoir muselé, prenait ainsi sa revanche pour la postérité.

 

Épilogue : le 31 octobre 1992 - La réhabilitation récente et partielle de Galilée…

Le plus étonnant peut-être dans cette affaire c'est, plus que la lenteur avec laquelle l'Église va reconnaître les thèses astronomiques nouvelles — l'interdit par la mise à l'index ne sera levé qu'au début du XIXe siècle — le plus étonnant donc c'est la résurgence de l'affaire lors d'un quasi troisième procès, à l'occasion d'une tentative de réhabilitation cette fois au début des années 1990.

L'Église est loin en effet d'y reconnaître ses errements et ses torts ; elle préfère débusquer les erreurs épistémologiques du savant disparu depuis plus de 350 ans !

Réhabilitation de Galilée ; trois siècles et demi plus tard, la Terre peut enfin tourner autour du soleil, sans crainte d’excommunication !

Le nom de Galilée est plus que célèbre. Il fut – il est encore – signe de contradiction, et l’homme auquel il appartient s’estompe derrière les symboles. Symbole du martyr qui a souffert pour les droits de la raison et de l’expérience face aux dogmatismes philosophiques et qui a ouvert l’ère de la science positive.

Pour quelques-uns aussi, symbole du somnambule ou de l’apprenti sorcier qui, dans une demi-conscience, a précipité pour l’humanité une évolution aux fruits amers. Il est vrai que, condamné par le Saint-Office, en 1633, pour avoir pris parti en faveur de la réalité du mouvement de la Terre, Galilée a fini ses jours en reclus, dans les souffrances physiques et morales, tandis que ses écrits et son exemple devenaient, à la confusion de ses juges, le ferment de l’Europe savante.

Il est vrai encore que la seule preuve formelle qu’il proposait du mouvement de la Terre, à savoir le flux et le reflux de la mer, ne valait absolument rien, et qu’il a brillé davantage par les formules audacieuses, suggestives et bien frappées, que par le contenu qu’il était réellement en mesure de leur donner.

Mais la vérité de Galilée défie les schématisations simplistes. Il n’a pas inventé la lunette, mais il a considérablement amélioré cet instrument par voie empirique, et croyant, malgré l’absence de théorie de l’appareil, à la réalité de ce que l’on voit à travers, il n’a pas hésité à le tourner vers les cieux. Ce qu’il a vu demeure encore aujourd’hui un modèle d’observation critique et méritait de bouleverser les conceptions de son temps.

Il a fait confiance aux suggestions de l’observation pour conjuguer l’analyse et les contrôles expérimentaux rudimentaires en ce qui concerne l’oscillation du pendule, la chute des corps, la trajectoire des projectiles, et, s’il n’a rien laissé de définitif pour la nouvelle science de la mécanique qui devait devenir le prototype de toutes les autres, il a suffisamment mis en valeur des thèmes, porté l’attention sur les phénomènes fondamentaux, ébauché des lois, pour que les principales œuvres scientifiques de la fin de son siècle soient impensables sans référence à lui.

Lui qui avait lancé l’idée que la langue mathématique permet de lire le grand livre de la nature, il n’a pas participé au perfectionnement de cette langue qui, par l’algèbre, s’accomplissait en son temps, mais il a écrit sur les suites et sur les sommes infinies, sur les infiniment petits, des pages magistrales où une mathématique entièrement nouvelle se dessinait.

La Finesse de son intelligence, la vivacité de son esprit et de sa plume, ont la saveur de son terroir toscan et expliquent le caractère percutant de son œuvre et son énorme influence. Par un curieux retour des choses, la conception de la théorie physique moderne est plus proche de la prudence des amis que Galilée avait parmi les princes de l’Église, et qui l’ont abandonné au moment crucial du fameux procès, que du réalisme un peu naïf, qui fait le fond de la philosophie galiléenne.

Mais la prudence des uns ne saurait être, à l’opposé de l’audace de l’autre, considérée comme effet de la conscience des difficultés que trois siècles et demi d’histoire scientifique nous ont enseignées. En fait, si cette histoire a été possible, c’est grâce à l’homme qui a su faire valoir ses talents, promouvoir une révolution de la pensée et obtenir à titre posthume, pour la recherche rationnelle, la relative indépendance qui ne peut plus lui être contestée.

Contre ses juges du Saint-Office, Galilée a incarné l’optimisme catholique concernant l’usage des facultés rationnelles, tel que le reconnaîtra le concile Vatican I (1869-1870) et, le 31 octobre 1992, le pape Jean-Paul II, en le réhabilitant. S’il convient aujourd’hui de nuancer, on doit de pouvoir le faire aux conquêtes que permit, dans le monde de la science, la diffusion de l’esprit galiléen.

 

 

Sources:

hhttp://www.unites.uqam.ca/philo/cours/Phi2080/10rs.html#controverses

http://www.astrosurf.com/luxorion/astro-histoire-procesgalilee.htm#_ftn1

http://www.astropolis.fr/articles/Biographies-des-grands-savants-et-astronomes/Galilee/astronomie-galileo-galilei-galilee.html

http://accel10.mettre-put-idata.over-blog.com/370x282/0/21/41/34/2008/Galileo_facing_the_Roman_Inquisition.jpg

http://www.astrofiles.net/bio/galilee/pape.jpg